Si l’œuvre de Mallarmé ne pèse, à la livre ou à
la tonne publiée, pas bien lourd face à des auteurs d’une prolificité
quelquefois douteuse, l’on est pourtant certain d’avoir en face un écrivain
« honnête », nous ayant fourni d’une bonne correspondance, et de
critiques en nombre satisfaisant.
Mais la poésie, un bloc de marbre immortel,
pour laquelle il a su faire d’un seul poème (Hérodiade) une vie, ne pèse même plus rien face aux monceaux de ce
que la « littérature » sait faire digérer, de ces aliments prémâchés,
quelquefois désossés et même décharnés par un simple geste en amont, jusqu’à celui
de l’auteur même.
Cette poésie est peut-être si profonde que l’on
se demande si elle n’est pas bien, là celée loin des yeux du moderne.
Incomparable depuis sa pensée, sa musique et sa vision tout ensemble, elle ne
songe même pas à se défendre, et ne mérite, pour cela, que l’éloge.
Et si la « culture de l’esprit » — la
lecture — n’est rien au dire de Huysmans, il faut croire que c’est aussi en
suivant la plume mallarméenne que l’on peut mieux entrevoir ce que serait la
culture d’une âme restée noble.